Archive for octobre, 2014

PRÉVERT: Chanson dans le Sang

dimanche, octobre 19th, 2014
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Il y a de grandes flaques de sang sur le monde
où s’en va-t-il tout ce sang répandu
Est-ce la terre qui le boit et qui se saoule
drôle de saoulographie alors
si sage… si monotone…
Non la terre ne se saoule pas
la terre ne tourne pas de travers
elle pousse régulièrement sa petite voiture ses quatre saisons
la pluie… la neige…
le grêle… le beau temps…
jamais elle n’est ivre
c’est à peine si elle se permet de temps en temps
un malheureux petit volcan
Elle tourne la terre
elle tourne avec ses arbres… ses jardins… ses maisons…
elle tourne avec ses grandes flaques de sang
et toutes les choses vivantes tournent avec elle et saignent…
Elle elle s’en fout
la terre
elle tourne et toutes les choses vivantes se mettent à hurler
elle s’en fout
elle tourne
elle n’arrête pas de tourner
et le sang n’arrête pas de couler…
Où s’en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des meurtres… le sang des guerres…
le sang de la misère…
et le sang des hommes torturés dans les prisons…
le sang des enfants torturés tranquillement par leur papa et leur maman…
et le sang des hommes qui saignent de la tête
dans les cabanons…
et le sang du couvreur
quand le couvreur glisse et tombe du toit
Et le sang qui arrive et qui coule à grands flots
avec le nouveau-né… avec l’enfant nouveau…
la mère qui crie… l’enfant pleure…
le sang coule… la terre tourne
la terre n’arrête pas de tourner
le sang n’arrête pas de couler
Où s’en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des matraqués… des humiliés…
des suicidés… des fusillés… des condamnés…
et le sang de ceux qui meurent comme ça… par accident.
Dans la rue passe un vivant
avec tout son sang dedans
soudain le voilà mort
et tout son sang est dehors
et les autres vivants font disparaître le sang
ils emportent le corps
mais il est têtu le sang
et là où était le mort
beaucoup plus tard tout noir
un peu de sang s’étale encore…
sang coagulé
rouille de la vie rouille des corps
sang caillé comme le lait
comme le lait quand il tourne
quand il tourne comme la terre
comme la terre qui tourne
avec son lait… avec ses vaches…
avec ses vivants… avec ses morts…
la terre qui tourne avec ses arbres… ses vivants… ses maisons…
la terre qui tourne avec les mariages…
les enterrements…
les coquillages…
les régiments…
la terre qui tourne et qui tourne et qui tourne
avec ses grands ruisseaux de sang.
 .
Jacques PRÉVERTParoles, 1946.

Chanson dans le sang >..< Poema no sangue

processo de tradução em rascunho: André HENRIQUES, 2008.

Poema no Sangue 1/2

1/2 folha de rascunho da tradução, sobrevivente às tintas das místicas e aos despejos da vida… Clique na imagem pra ler.

folha de rascunho da tradução permanente, sobrevivente às tintas das místicas e aos despejos da vida...

2/2 clique na imagem pra ampliar e visualizar o rascunho do processo de tradução

RIMBAUD: Vertige

dimanche, octobre 19th, 2014

Vertige

Arthur RIMBAUD,  entre maio e junho de 1871.

Vertige

trabalho inicial sobre o poema original

>..<

Vertigem

Vertigem

tradução livre ainda em rascunho

por André Luiz DE CASTRO HENRIQUES, julho 2008.

Comité INVISIBLE: Hipermercado

dimanche, octobre 19th, 2014

O hipermercado é incontornável no seio das cidades, pois sem ele, nós morremos. Este estado das coisas é um insulto à vida, sendo que a Natureza é para a Humanidade livremente acessível, sendo ela mesma uma componente daquela… Ora, acontece que em nossas sociedades tão civilizadas, o simples fato de se alimentar da Natureza é ilegal: o cultivo, a caça e a pesca são atividades mercadológicas privatizadas que precisam de autorizações, alvará e suscitam controles e penas.
Imagine um mundo onde os pássaros precisariam pagar uma taxa pra pegar uma minhoca ou um grão… Absurdo!

Le centre commercial est incontournable au sein des villes, car sans lui, nous mourrons. Cet état de fait est une insulte à la vie, au fait que la Nature est pour l’Homme librement accessible, étant lui-même un constituant de celle-ci.. Or, il s’avère dans nos sociétés tant civilisées, que le simple fait de se nourrir de la Nature est illégal: la culture, la chasse et la pêche sont des activités marchandes privatisées qui nécessitent autorisations, permis et suscitent contrôles et peines.
Imaginez un monde dans lequel les oiseaux devraient se payer un permis pour cueillir le lombric ou la graine.. Absurde!

Comité Invisible

Comité INVISIBLE: À nos amis

dimanche, octobre 19th, 2014
À nos amis
Comité Invisible
Àqueles pra quem o fim  de uma civilização não é o fim do mundo;
Àqueles que vêem a insurreição como uma brecha, primeiramente, no reino organizado da idiotice, da mentira e da confusão;
Àqueles que intuem, por detrás da espessa névoa da « crise », um teatro de operações, de manobras, de estratégias – e portanto a possibilidade de um contra-ataque;
Àqueles que levam os golpes;
Àqueles que aguardam o momento propício;
Àqueles que procuram cúmplices;
Àqueles que desertam;
Àqueles que aguentam firme;
Àqueles que se organizam;
Àqueles que querem construir uma força revolucionária, revolucionária porque sensível;
Esta modesta contribuição à inteligência deste tempo.
Comité invisible
O Comité invisible é uma tendência da subversão presente.
 ~
« O Estado é a máfia que venceu todas as outras, e que em retorno ganhou o direito de tratá-las como criminosas. »
~
En 2007, nous publiions L’insurrection qui vient. Un livre qu’on a aujourd’hui fini d’associer à «l’affaire Tarnac», en oubliant qu’il était déjà un succès en librairie avant que les médias et la ministre de l’intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie, ne s’en emparent en 2008, garantissant pour de bon sa promotion à grande échelle.
Durant les sept années qui séparent L’insurrection qui vient d’À nos amis, les agents du Comité invisible ont continué de lutter, de s’organiser, de se porter aux quatre coins du monde là où il s’embrasait, de débattre avec des camarades de toute tendance et de tout pays.
À nos amis est ainsi écrit au ras de ce mouvement général, au ras de l’expérience. Ses mots émanent du cœur des troubles et s’adressent à tous ceux qui croient encore suffisamment en la vie pour se battre. À nos amis se veut un rapport sur l’état du monde et du mouvement, un écrit essentiellement
stratégique et ouvertement partisan. Son ambition politique est démesurée: produire une intelligibilité partagée de l’époque, en dépit de l’extrême confusion du présent.

collectif MAUVAISE TROUPE: Constellations

dimanche, octobre 19th, 2014

Constellations

Compartilhando um projeto muito significativo, com textos que o coletivo SAGWE pretende traduzir aos trankos e barrancos…

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Trajectoires révolutionnaires du jeune 21è siècle

>..< Trajetórias revolucionárias do jovem século XXI

par le collectif mauvaise troupe

>..< coletivo tropa ruim < trupe do mal

Constellations, c’est d’abord un livre publié aux éditions de l’éclat, qui raconte par petites touches une quinzaine d’années de vie et de lutte, ce qu’on a appelé des trajectoires révolutionnaires. C’est aussi ce site, qui publie en version lyber les textes du livre. Nous souhaitons prolonger l’aventure en l’ouvrant à d’autres récits et documents, et le site accueillera bientôt une rubrique “l’histoire continue”.

>..< Constelações, é antes de mais nada um livro publicado nas éditions de l’éclat, que conta em pequenas pinceladas uma quinzena de anos de vida e de luta, isso que a gente chamou de trajetórias revolucionárias. É também este site, que publica em versão lyber os textos do livro. Nós desejmos dar continuidade à aventura abrindo-a à outras narrativas/estórias e documentos, e o site acolherá em breve uma rubrica “a história continua”.

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https://constellations.boum.org/

Comité INVISIBLE: Tiqqun

dimanche, octobre 19th, 2014

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Nous tenons à diffuser ici une page web antérieure à cette initiative « facebookienne » du non-sens dans laquelle les textes du Comité Invisibles, de Tiqqun et d’Eclats sont mis à disposition.
Librement téléchargeables, ceux-ci échappent à la Marchandise (et à la consommation [?] ) et tendent à mettre en exergue le contenu plutôt que le contenant..
Et pour ceux qui croiraient aux « droits d’auteurs », sachez que ceux-ci sont avant tout une forme morbide de propriété abstraite, médiatisée par la domination du signifiant par le signifié..

http://bloom0101.org/

Traduções em português:

Apelo/ Chamado

http://bloom0101.org/wp-content/uploads/2015/02/PORTappelportugais.pdf

Teses sobre a Comunidade Terrível – Da Miséria nos Ambientes Subversivos

http://bloom0101.org/wp-content/uploads/2015/02/PORTcommunauteterrible.pdf

A Inssurreição que vem

http://bloom0101.org/wp-content/uploads/2015/02/insurreic%CC%A7a%CC%83o-que-vem.pdf

DEBORD: Séparation spectaculaire

vendredi, octobre 17th, 2014

“Cette société qui supprime la distance géographique recueille intérieurement la distance, en tant que séparation spectaculaire.”

Guy DEBORD

>..<

“Esta sociedade que suprime a distância geográfica recolhe a distância em seu interior sob a forma de separação espetacular”

(em tradução livre)

BADIOU: La Feminité

mardi, octobre 14th, 2014

a legendar

JAPPE: L’Argent est-il devenu obsolète ?

lundi, octobre 13th, 2014

L’Argent est-il devenu obsolète ?

Par Anselm Jappe

Já existe uma tradução aqui para o português: http://www.exit-online.org

En español aca: http://www.jornada.unam.mx/2011/12/23/opinion/018a1pol

 

Les médias et les instances officielles nous y préparent : très prochainement, une nouvelle crise financière mondiale va se déclencher, et elle sera pire qu’en 2008. On parle ouvertement des «catastrophes» et des «désastres». Mais qu’est-ce qui va arriver après ? Quelles seront nos vies après un écroulement des banques et des finances publiques à vaste échelle ? L’Argentine y est déjà passée en 2002. Au prix d’un appauvrissement de masse, l’économie de ce pays a pu ensuite remonter un peu la pente : mais dans ce cas-là, il ne s’agissait que d’un seul pays. Actuellement, toutes les finances européennes et nordaméricaines risquent de sombrer ensemble, sans sauveur possible.

 

A quel moment le krach boursier ne sera-t-il plus une nouvelle apprise dans les médias, mais un événement dont on s’apercevra en sortant dans la rue ? Réponse : quand l’argent perdra sa fonction habituelle. Soit en se faisant rare (déflation), soit en circulant en quantités énormes, mais dévalorisées (inflation). Dans les deux cas, la circulation des marchandises et des services ralentira jusqu’à pouvoir s’arrêter complètement : leurs possesseurs ne trouveront pas qui pourra les payer en argent, en argent «valable» qui leur permet à leur tour d’acheter d’autres marchandises et services. Ils vont donc les garder pour eux. On aura des magasins pleins, mais sans clients, des usines en état de fonctionner parfaitement, mais sans personne qui y travaille, des écoles où les professeurs ne se présentent plus, parce qu’ils sont restés depuis des mois sans salaire. On se rendra alors compte d’une vérité qui est tellement évidente qu’on ne la voyait plus : il n’existe aucune crise dans la production elle-même. La productivité de tous les secteurs augmente continuellement. Les surfaces cultivables de la Terre pourraient nourrir toute la population du globe, et les ateliers et usines produisent même beaucoup plus que ce qui est nécessaire, souhaitable et soutenable. Les misères du monde ne sont pas dues, comme au Moyen Age, à des catastrophes naturelles, mais à une espèce d’ensorcellement qui sépare les hommes de leurs produits.

 

Ce qui ne fonctionne plus, c’est l’«interface» qui se pose entre les humains et ce qu’ils et elles produisent : l’argent. Dans la modernité, l’argent est devenu la «médiation universelle» (Marx). La crise nous confronte avec le paradoxe fondateur de la société capitaliste : la production des biens et services n’y est pas un but, mais seulement un moyen. Le seul but est la multiplication de l’argent, c’est d’investir un euro pour en tirer deux. Et quand ce mécanisme entre en panne, c’est toute la production «réelle» qui souffre et qui peut même se bloquer totalement. Alors, comme le Tantale du mythe grec, nous nous trouvons face à des richesses qui, quand nous voulons y mettre la main, se retirent : parce que nous ne pouvons pas les payer. Ce renoncement forcé a toujours été le lot du pauvre. Mais maintenant, situation inédite, cela pourrait arriver à la société entière, ou presque. Le dernier mot du marché est alors de nous laisser mourir de faim au milieu de nourritures entassées partout et qui pourrissent, mais que personne ne doit toucher.

 

Cependant, les contempteurs du capitalisme financier nous assurent que la finance, le crédit et les bourses ne sont que des excroissances sur un corps économique sain. Une fois la bulle crevée, il y aura des turbulences et des faillites, mais finalement ce ne sera qu’une saignée salutaire et on recommencera ensuite avec une économie réelle plus solide. Vraiment ? Aujourd’hui, nous obtenons presque tout contre payement. C’est plus particulièrement, mais non exclusivement, le cas pour la majorité de la population vivant en ville et qui ne pourrait pas se nourrir de sa propre production, se chauffer par ses propres moyens, s’éclairer, se soigner ou se déplacer de manière autonome. Même pas pendant trois jours. Si le supermarché, la compagnie d’électricité, la pompe d’essence et l’hôpital n’acceptent alors que de l’argent «bon» (par exemple, une monnaie étrangère forte, et non les billets imprimés par la propre banque nationale et complètement dévalorisés), et s’il n’y en a plus beaucoup, nous arrivons vite à la détresse. Si nous sommes assez nombreux, et prêts pour l’«insurrection», nous pouvons encore prendre d’assaut le supermarché, ou nous brancher directement sur le réseau électrique. Mais quand le supermarché ne sera plus approvisionné, et la centrale électrique s’arrêtera faute de pouvoir payer ses travailleurs et ses fournisseurs, quoi faire ? On pourrait organiser des trocs, des formes de solidarité nouvelles, des échanges directs : ce sera même une belle occasion pour renouveler le « lien social ». Mais qui peut croire qu’on y parviendra en très peu de temps et à une large échelle, au milieu du chaos et des pillages ? On ira à la campagne, disent certains, pour s’approprier directement des ressources premières. Dommage que la Communauté européenne ait payé pendant des décennies les paysans pour couper leurs arbres, arracher leurs vignes et abattre leur bétail… Après l’écroulement des pays de l’Est, des millions de personnes ont survécu grâce à des parents qui vivent à la campagne et aux petits potagers. Qui pourra en dire autant en France ou en Allemagne ?

 

Il n’est pas sûr qu’on arrivera à ces extrêmes. Mais même un écroulement partiel du système financier nous confrontera avec les conséquences du fait que nous nous sommes consignés, mains et poings liés, à l’argent, en lui confiant la tâche exclusive d’assurer le fonctionnement de la société. L’argent a existé depuis l’aube de l’histoire, nous assure-t-on : mais dans les sociétés précapitalistes, il ne jouait qu’un rôle marginal. Ce n’est que dans les dernières décennies que nous sommes arrivés au point que presque chaque manifestation de la vie passe par l’argent et que l’argent s’est infiltré dans les moindres recoins de l’existence individuelle et collective. Sans l’argent qui fait circuler les choses, nous sommes comme un corps sans sang.

 

Mais l’argent n’est « réel » que lorsqu’il est l’expression d’un travail vraiment exécuté et de la valeur dans laquelle ce travail se représente. Le reste de l’argent n’est qu’une fiction qui se base sur la seule confiance mutuelle des acteurs – une confiance qui peut s’évaporer, comme on le voit actuellement. Nous assistons à un phénomène pas prévu par la science économique : non à la crise d’une monnaie, et de l’économie qu’elle représente, à l’avantage d’une autre, plus forte. L’euro, le dollar et le yen sont tous en crise, et les rares pays encore notés AAA par les agences de rating ne pourront pas à eux seuls sauver l’économie mondiale. Aucune des recettes économiques proposées ne marche, nulle part. Le marché libre fonctionne aussi peu que l’État, l’austérité aussi peu que la relance, le keynésianisme aussi peu que le monétarisme. Le problème se situe à un niveau plus profond. Nous assistons à une dévalorisation de l’argent en tant que tel, à la perte de son rôle, à son obsolescence. Mais non par une décision consciente d’une humanité finalement lasse de ce que déjà Sophocle appelait « la plus funeste des inventions des hommes », mais en tant que processus non maîtrisé, chaotique et extrêmement dangereux. C’est comme si l’on enlevait la chaise roulante à quelqu’un après lui avoir ôté longtemps l’usage naturel de ses jambes. L’argent est notre fétiche : un dieu que nous avons créé nous-mêmes, mais duquel nous croyons dépendre et auquel nous sommes prêts à tout sacrifier pour apaiser ses colères.

 

Quoi faire ? Les vendeurs de recettes alternatives ne manquent pas : économie sociale et solidaire, systèmes d’échange local, monnaies fondantes, entraide citoyenne… Cela pourrait, dans le meilleur des cas, marcher dans de petites niches, tandis que le reste autour fonctionne encore. Une chose est sûre cependant : il ne suffit pas de s’«indigner» face aux «excès» de la finance ou à l’«avidité» des banquiers. Même si celle-ci est bien réelle, elle n’est pas la cause, mais la conséquence de l’essoufflement de la dynamique capitaliste. Le remplacement du travail vivant – la seule source de la valeur qui, sous forme d’argent, est la finalité unique de la production capitaliste – avec des technologies – qui ne créent pas de la valeur – a presque fait tarir la source de la production de valeur. Le capitalisme, en développant, sous la pression de la concurrence, les technologies, a scié, à la longue, la branche sur laquelle il était assis. Ce processus, qui fait partie de sa logique de base depuis le début, a dépassé un seuil critique dans les dernières décennies. La non-rentabilité de l’emploi de capital n’a pu être masquée qu’avec un recours toujours plus massif au crédit, qui est une consommation anticipée des gains espérés pour le futur. Maintenant, même cette prolongation artificielle de la vie du capital semble avoir épuisé toutes ses ressources. On peut donc poser la nécessité – mais aussi constater la possibilité, la chance – de sortir du système basé sur la valeur et le travail abstrait, l’argent et la marchandise, le capital et le salaire. Mais ce saut dans l’inconnu fait peur, même à ceux qui ne se délaissent jamais de fustiger les crimes des «capitalistes». Pour le moment, ce qui prévaut est plutôt la chasse au vilain spéculateur. Même si l’on ne peut que partager l’indignation face aux profits des banques, il faut dire qu’elle reste très en-deçà d’une critique du capitalisme en tant que système. Ce n’est pas étonnant qu’Obama et Georges Soros disent qu’ils la comprennent. La vérité est bien plus tragique : si les banques sombrent, si elles font faillite en chaîne, si elles arrêtent de distribuer de l’argent, nous risquons tous de sombrer avec elles, parce que depuis longtemps on nous a retiré la possibilité de vivre autrement qu’en dépensant de l’argent. Il sera bien de le réapprendre – mais qui sait à quel «prix» cela adviendra ! Personne ne peut dire honnêtement qu’il sait comment organiser la vie de dizaines de millions de personnes quand l’argent aura perdu sa fonction. Il serait bien d’admettre au moins le problème. Il faut peut-être se préparer à l’«après-argent» comme à l’après-pétrole.

Octobre 2011

Version complète parue dans Offensive Libertaire et Sociale n°32 (décembre 2011)
Une version tronquée de ce texte est parue dans Le Monde le 31 octobre 2011
Texte issu du site Exit!

in english: http://www.exit-online.org/textanz1.php?tabelle=transnationales&index=2&posnr=184&backtext1=text1.php

BAUDELAIRE: Le monde va finir…

dimanche, octobre 12th, 2014

Tem uma tradução aqui: http://www.redalyc.org/pdf/330/33090213.pdf

E uma outra aqui: http://cinefusao.blogspot.com.br/2011/10/o-mundo-vai-acabar-charles-baudelaire.html

 

Le monde va finir. La seule raison, pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particulièrement à celle-ci : Qu’est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel? — Car, en supposant qu’il continuât à exister matériellement, serait-ce une existence digne de ce nom et du Dictionnaire historique? Je ne dis pas que le monde sera réduit aux expédients et au désordre bouffon des républiques du Sud-Amérique, que peut-être même nous retournerons à l’état sauvage, et que nous irons, à travers les ruines herbues de notre civilisation, chercher notre pâture, un fusil à la main. Non; car ces aventures supposeraient encore une certaine énergie vitale, écho des premiers âges. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien, parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles des utopistes, ne pourra être comparé à ses résultats positifs. Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie. De la religion, je crois inutile d’en parler et d’en chercher les restes, puisque se donner la peine de nier Dieu est le seul scandale, en pareilles matières. La propriété avait disparu virtuellement avec la suppression du droit d’aînesse; mais le temps viendra où l’humanité, comme un ogre vengeur, arrachera leur dernier morceau à ceux qui croient avoir hérité légitimement des révolutions. Encore, là ne serait pas le mal suprême.
L’imagination humaine peut concevoir, sans trop de peine, des républiques ou autres États communautaires, dignes de quelque gloire, s’ils sont dirigés par des hommes sacrés, par de certains aristocrates. Mais ce n’est pas particulièrement par des institutions politiques que se manifestera la ruine universelle, ou le progrès universel; car peu m’importe le nom. Ce sera par l’avilissement des cœurs. Ai-je besoin de dire que le peu qui restera de politique se débattra péniblement dans les étreintes de l’animalité générale, et que les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d’ordre, de recourir â des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie? — Alors, le fils fuira la famille, non pas à dix-huit ans, mais à douze, émancipé par sa précocité gloutonne ; il la fuira, non pas pour chercher des aventures héroïques, non pas pour délivrer une beauté prisonnière dans une tour, non pas pour immortaliser un galetas par de sublimes pensées, mais pour fonder un commerce, pour s’enrichir, et pour faire concurrence à son infâme papa, fondateur et actionnaire d’un journal qui répandra les lumières et qui ferait considérer le Siècle d’alors comme un suppôt de la superstition. — Alors, les errantes, les déclassées, celles qui ont eu quelques amants et qu’on appelle parfois des Anges, en raison et en remerciement de l’étourderie qui brille, lumière de hasard, dans leur existence logique comme le mal, — alors celles-là, dis-je, ne seront plus qu’impitoyable sagesse, sagesse qui condamnera tout, fors l’argent, tout, même les erreurs des sens! Alors, ce qui ressemblera à la vertu, que dis-je, tout ce qui ne sera pas l’ardeur vers Plutus sera réputé un immense ridicule. La justice, si, à cette époque fortunée, il peut encore exister une justice, fera interdire les citoyens qui ne sauront pas faire fortune. Ton épouse, ô Bourgeois! ta chaste moitié, dont la légitimité fait pour toi la poésie, introduisant désormais dans la légalité une infamie irréprochable, gardienne vigilante et amoureuse de ton coffre-fort, ne sera plus que l’idéal parfait de la femme entretenue. Ta fille, avec une nubilité enfantine, rêvera, dans son berceau, qu’elle se vend un million, et toi-même, ô Bourgeois, — moins poète encore que tu n’es aujourd’hui, — tu n’y trouveras rien à redire; tu ne regretteras rien. Car il y a des choses, dans l’homme, qui se fortifient et prospèrent à mesure que d’autres se délicatisent et s’amoindrissent; et, grâce au progrès de ces temps, il ne te restera de tes entrailles que des viscères! — Ces temps sont peut-être bien proches; qui sait même s’ils ne sont pas venus, et si l’épaississement de notre nature n’est pas le seul obstacle qui nous empêche d’apprécier le milieu dans lequel nous respirons?
Quant à moi, qui sens quelquefois en moi le ridicule d’un prophète, je sais que je n’y trouverai jamais la charité d’un médecin. Perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules, je suis comme un homme lassé dont l’oeil ne voit en arrière, dans les années profondes, que désabusement et amertume, et, devant lui, qu’un orage où rien de neuf n’est contenu, ni enseignement ni douleur. Le soir où cet homme a volé à la destinée quelques heures de plaisir, bercé dans sa digestion, oublieux — autant que possible — du passé, content du présent et résigné à l’avenir, enivré de son sang-froid et de son dandysme, fier de n’être pas aussi bas que ceux qui passent, il se dit, en contemplant la fumée de son cigare : «Que m’importe où vont ces consciences?»
Je crois que j’ai dérivé dans ce que les gens du métier appellent un hors-d’œuvre. Cependant, je laisserai ces pages, — parce que je veux dater ma colère.*

 

Charles Baudelaire. Fusées (1851), journal intime

 

*Dans le manuscrit, on peut lire le mot « colère », qui a été biffé, pour être remplacé par « tristesse ».

collectif SAGWE >..< coletivo SAGWE

dimanche, octobre 12th, 2014
sagüí

Callithrix jacchus

 

Espaço pra compartilhar sopros de uma arqueologia do futuro

em experimentações de tradução livre

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Espace pour partager des souffles d’une archéologie du futur

en essais de traduction libre

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e-mail: andreluizch@riseup.net

Callithrix humeralifera