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DEBORD: Les mauvais jours finiront >..< Os dias ruins acabarão

vendredi, juin 9th, 2017

Les mauvais jours finiront

« La prochaine forme de société ne sera pas fondée sur la production industrielle. Elle sera une société de l’art réalisé. Ce ‘type de production absolument nouveau qui serait en gestation dans notre société’ (Marxisme en question, p. 84), c’est la construction des situations, la construction libre des événements de la vie. »

Guy DEBORD, Les mauvais jours finiront

Projet d’une anthologie de la Revue I.S. – numéro 7 – Avril 1962.

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« A próxima forma de sociedade não será fundada sobre a produção industrial. Ela será uma sociedade da arte realizada. Este ‘tipo de produção absolutamente novo que estaria em gestação em nossa sociedade’ (Marxisme en question, p. 84), é a construção de situações, a construção livre dos acontecimentos da vida. »

Guy DEBORD, Os dias ruins acabarão

Projeto de uma antologia da Revue I.S. – número 7 – Abril 1962.

 

EN MÊME TEMPS que le monde du spectacle étend son règne, il s’approche du point culminant de son offensive, en soulevant partout de nouvelles résistances. Celles-ci sont infiniment moins connues, puisque précisément le but du spectacle régnant est le reflet universel et hypnotique de la soumission. Mais elles existent et grandissent.

Tout le monde parle, sans y comprendre grand’chose, de la jeunesse rebelle des pays industriels avancés (voir, dans le numéro 6 de ce bulletin, « Défense inconditionnelle »). Des publications militantes comme Socialisme on Barbarie à Paris, ou Correspondence à Detroit, ont fait paraître des travaux très documentés sur la résistance permanente des ouvriers dans le travail (contre toute l’organisation de ce travail), sur la dépolitisation, et la désaffection à l’égard du syndicalisme, devenu un mécanisme d’intégration des travailleurs à la société et un instrument supplémentaire dans l’arsenal économique du capitalisme bureaucratisé. À mesure que les vieilles formules d’opposition révèlent leur inefficacité ou, plus souvent, leur retournement complet dans une participation à l’ordre existant, l’insatisfaction irréductible se propage souterrainement, minant l’édifice de la société de l’abondance. « La vieille taupe » dont parlait Marx, dans un Toast aux prolétaires d’Europe va toujours, le fantôme ressurgit dans tous les coins de notre château d’Elseneur télévisé, dont les brumes politiques sont déchirées à l’instant, aussi longtemps que les Conseils Ouvriers existent et commandent.

De même que la première organisation du prolétariat classique a été précédée, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, d’une époque de gestes isolés, « criminels », visant à la destruction des machines de la production, qui éliminait les gens de leur travail, on assiste en ce moment à la première apparition d’une vague de vandalisme contre les machines de la consommation, qui nous éliminent tout aussi sûrement de la vie. Il est bien entendu qu’en ce moment comme alors la valeur n’est pas dans la destruction elle-même, mais dans l’insoumission qui sera ultérieurement capable de se transformer en projet positif, jusqu’à reconvertir les machines dans le sens d’un accroissement du pouvoir réel des hommes. Pour laisser de côté les ravages des rassemblements d’adolescents, on peut citer quelques actions des ouvriers, qui sont en grande partie incompréhensibles du point de vue revendicatif classique.

Le 9 février 1961 à Naples, des ouvriers sortant le soir des usines ne trouvent pas les tramways qui les transportent habituellement, dont les conducteurs ont déclenché une grève-surprise parce que plusieurs d’entre eux viennent d’être licenciés. Les ouvriers manifestent leur solidarité aux grévistes en lançant contre les bureaux de la compagnie divers projectiles, puis des bouteilles d’essence qui mettent le feu à une partie de la gare des tramways. Puis ils incendient des autobus, affrontent victorieusement la police et les pompiers. Au nombre de plusieurs milliers, ils se répandent dans la ville, brisant les vitrines et les enseignes lumineuses. Dans la nuit, on doit faire appel à la troupe pour ramener l’ordre, et des blindés font mouvement sur Naples. Cette manifestation, totalement improvisée et dénuée de but, est évidemment une révolte directe contre le temps marginal des transports, qui augmente si lourdement le temps de l’esclavage salarié dans les villes modernes. Cette révolte, éclatant à propos d’un incident fortuit supplémentaire, commence ensuite à s’étendre à tout le décor (nouvellement plaqué sur le paupérisme traditionnel de l’Italie du Sud) de la société de consommation : la vitrine et le néon en étant à la fois les lieux les plus symboliques et les plus fragiles, comme lors des manifestations de la jeunesse sauvage.

Le 4 août en France, les mineurs en grève de Merlebach s’attaquent à vingt-et-une voitures stationnant devant les locaux de la direction. Tout le monde a souligné, avec stupeur, que ces automobiles étaient presque toutes celles d’employés de la mine, donc de travailleurs très proches d’eux. Comment ne pas y voir, en plus de tant de raisons qui justifient en permanence l’agressivité des exploités, un geste de défense contre l’objet central de l’aliénation consommatrice ?

Les grévistes de Liège, le 6 janvier 1961, quand ils ont entrepris de détruire les machines du journal La Meuse, ont atteint un des sommets de la conscience de leur mouvement en attaquant l’appareillage de l’information tenu par leurs ennemis (le monopole absolu de tous les moyens de transmission, au sens le plus général, s’étant trouvé partagé entre les gouvernementaux et les dirigeants de la bureaucratie syndicale et socialiste, c’était exactement le point crucial du conflit, le verrou qui n’a jamais sauté, interdisant l’accès de la lutte ouvrière « sauvage » à la perspective du pouvoir, donc la condamnant à disparaître). Un symptôme, moins intéressant parce que plus dépendant d’une exagération maladroite du gaullisme dans sa propagande, est quand même à relever dans ce communiqué des syndicats de journalistes et de techniciens de la radio-télévision française, le 9 février dernier : « Nos camarades techniciens et reporters, qui se trouvaient jeudi soir sur les lieux de la manifestation pour en assurer le reportage, ont été pris à partie par la foule sur le simple vu du sigle R.T.F. Le fait est significatif. C’est pourquoi le S.J.R.T. et le S.U.T. se jugent fondés à affirmer une fois de plus solennellement que la vie de nos camarades reporters et techniciens dépend du respect de leurs comptes rendus… ». Bien sûr, à côté des réactions d’avant-garde qui commencent à s’opposer concrètement aux forces du conditionnement, il faut tenir compte des réussites de ce conditionnement, jusqu’à l’intérieur d’actions ouvrières très combatives. Ainsi au début de cette année les mineurs de Decazeville déléguant vingt d’entre eux pour faire la grève de la faim, s’en remettaient à vingt vedettes pour apitoyer, en jouant sur le terrain spectaculaire de l’ennemi. Ils ont donc forcément perdu, puisque la seule chance était d’étendre à tout prix leur intervention collective, hors d’un secteur où ils ne bloquaient qu’une production déficitaire. L’organisation sociale capitaliste, comme ses sous-produits oppositionnels, a tant répandu les idées parlementaires et spectaculaires que des ouvriers révolutionnaires ont pu oublier souvent que la représentation doit toujours être réduite à l’indispensable : pour peu de choses et en peu d’occasions. Mais aussi bien la résistance à l’abrutissement n’est pas le fait des seuls ouvriers. L’acteur Wolfgang Neuss à Berlin, révélant en janvier dernier par une petite annonce de Der Abend, qui était le coupable dans un suspense policier télévisé qui passionnait les foules depuis plusieurs semaines, a commis un acte de sabotage plein de sens.

L’assaut du premier mouvement ouvrier contre l’ensemble de l’organisation du vieux monde est fini depuis longtemps, et rien ne pourra le ranimer. Il a échoué, non sans obtenir d’immenses résultats, mais qui n’étaient pas le résultat visé. Sans doute cette déviation vers des résultats partiellement inattendus est la règle générale des actions humaines, mais on doit en excepter précisément le moment de l’action révolutionnaire, du saut qualitatif, du tout ou rien. Il faut reprendre l’étude du mouvement ouvrier classique d’une manière désabusée, et d’abord désabusée quant à ses diverses sortes d’héritiers politiques ou pseudo-théoriques, car ils ne possèdent que l’héritage de son échec. Les succès apparents de ce mouvement sont ses échecs fondamentaux (le réformisme ou l’installation au pouvoir d’une bureaucratie étatique) et ses échecs (la Commune ou la révolte des Asturies) sont jusqu’ici ses succès ouverts, pour nous et pour l’avenir. Il faudra délimiter précisément ce sujet dans le temps. On peut admettre que le mouvement ouvrier classique commence, une vingtaine d’années avant la constitution officielle de l’Internationale, avec cette première liaison des groupes communistes de plusieurs pays que Marx et ses amis organisaient depuis Bruxelles, en 1845. Et qu’il est complètement fini après l’échec de la révolution espagnole, c’est-à-dire précisément au lendemain des journées de mai 1937 à Barcelone.

Dans ces limites temporelles, il faut retrouver toute la vérité, et réexaminer toutes les oppositions entre les révolutionnaires, les possibilités négligées, sans plus être impressionnés par le fait que certains ont eu raison contre d’autres, ont dominé le mouvement, puisque nous savons qu’ils n’ont gagné qu’à l’intérieur d’un échec global. La première pensée à redécouvrir est évidemment celle de Marx, ce qui est encore facile vu la documentation existante et l’énormité des mensonges à son propos. Mais il faut reconsidérer aussi bien les positions anarchistes dans la Première Internationale, le blanquisme, le luxembourgisme, le mouvement des Conseils en Allemagne et en Espagne, Cronstadt ou les makhnovistes, etc. Sans négliger l’influence pratique des socialistes utopiques. Tout ceci, bien entendu, n’a pas à être fait dans un but d’éclectisme universitaire, ou d’érudition ; mais uniquement dans le but de servir à la formation d’un nouveau mouvement révolutionnaire, dont nous voyons dans ces dernières années tant de signes avant-coureurs, dont nous sommes nous-mêmes un signe avant-coureur. Il sera profondément différent. Nous devons comprendre ces signes par l’étude du projet révolutionnaire classique, et réciproquement. Il faut redécouvrir l’histoire du mouvement même de l’histoire, qui a été si bien cachée et détournée. C’est d’ailleurs seulement dans cette entreprise — et dans quelques groupes de recherche artistique généralement liés à elle — que sont apparues des conduites séduisantes ; quelque chose qui permet de s’intéresser objectivement à la société moderne et au possible qu’elle renferme.

Il n’y a pas d’autre fidélité, il n’y a pas d’autre compréhension pour l’action de nos camarades du passé, qu’une réinvention, au niveau le plus élevé, du problème de la révolution, qui a été d’autant plus arraché de la sphère des idées qu’il se pose plus lourdement dans les faits. Mais pourquoi cette réinvention paraît-elle si difficile ? Elle n’est pas difficile à partir d’une expérience de vie quotidienne libre (c’est-à-dire d’une recherche de la liberté dans la vie quotidienne). Cette question nous paraît assez concrètement ressentie aujourd’hui dans la jeunesse. Et la ressentir avec une exigence suffisante permet aussi de juger en appel, de sauver, de retrouver l’histoire perdue. Elle n’est pas difficile pour la pensée dont le rôle est de mettre en cause tout l’existant. Il suffit de n’avoir pas abandonné la philosophie — comme la quasi-totalité des philosophes —, ou de n’avoir pas abandonné l’art — comme la quasi-totalité des artistes —, ou de n’avoir pas abandonné la contestation de la réalité présente — comme la quasi-totalité des militants. Alors, ces questions s’enchaînent jusqu’au même dépassement. Ce sont seulement les spécialistes, dont le pouvoir tient avec celui d’une société de la spécialisation, qui ont abandonné la vérité critique de leurs disciplines pour garder l’usufruit positif de leur fonction. Mais toutes les recherches réelles confluent vers une totalité, comme les gens réels vont se rassembler pour tenter encore une fois de sortir de leur préhistoire.

Certains doutent d’un nouveau départ de la révolution, répétant que le prolétariat se résorbe ou que les travailleurs sont à présent satisfaits, etc. Ceci veut dire une de ces deux choses : ou bien ils se déclarent eux-mêmes satisfaits ; et alors nous les combattrons sans faire de nuances. Ou bien ils se rangent dans une catégorie séparée des travailleurs (par exemple, les artistes) ; et nous combattrons cette illusion en leur montrant que le nouveau prolétariat tend à englober à peu près tout le monde.

De la même façon, les craintes ou les espérances apocalyptiques à propos du mouvement de révolte des pays colonisés ou semi-colonisés négligent ce fait central : le projet révolutionnaire doit être réalisé dans les pays industriellement avancés. Aussi longtemps qu’il ne le sera pas, tous les mouvements dans la zone sous-développée paraissent condamnés à suivre le modèle de la révolution chinoise, dont la naissance a accompagné la liquidation du mouvement ouvrier classique. Toute sa survie ultérieure a été dominée par la mutation qu’elle en a subi. Il reste que l’existence du mouvement des colonisés, même polarisé sur la Chine bureaucratique, crée un déséquilibre dans l’affrontement extérieur des deux blocs équilibrés, rend instable tout partage du monde entre leurs dirigeants et possesseurs. Mais le déséquilibre interne qui réside encore dans les usines de Manchester et de Berlin-Est exclut aussi bien toute garantie des enjeux du poker planétaire.

Les minorités rebelles qui ont survécu, obscurément, à l’écrasement du mouvement ouvrier classique (à la ruse de l’histoire qui a renversé sa force en police d’État) ont sauvé la vérité de ce mouvement, mais comme vérité abstraite du passé. Une résistance honorable à la force a su jusqu’ici garder une tradition calomniée, non se réinvestir en force nouvelle. La formation de nouvelles organisations dépend d’une critique plus profonde, traduite en actes. Il s’agit de rompre complètement avec l’idéologie, dans laquelle les groupes révolutionnaires croient posséder des titres positifs garantissant leur fonction (c’est-à-dire qu’il faut reprendre la critique marxienne du rôle des idéologies). Il faut donc quitter le terrain de l’activité révolutionnaire spécialisée — de l’auto-mystification du sérieux politique — parce qu’il est démontré que la possession de cette spécialisation encourage les meilleurs à se montrer stupides sur toutes les autres questions ; de sorte qu’ils perdent toute chance de réussir dans la lutte politique elle-même, inséparable du reste du problème global de notre société. La spécialisation et le pseudo-sérieux justement se trouvent être parmi les premières défenses que l’organisation du vieux monde occupe dans l’esprit de chacun. Une association révolutionnaire d’un type nouveau rompra aussi avec le vieux monde en ceci qu’elle permettra et demandera à ses membres une participation authentique et créative, au lieu d’attendre des militants une participation mesurable en temps de présence, ce qui équivaut à reprendre le seul contrôle possible dans la société dominante : le critère quantitatif des heures de travail. La nécessité de cette participation passionnée de tous est posée par le fait que le militant de la politique classique, le responsable qui « se dévoue », disparaît partout avec la politique classique elle-même ; et plus encore par le fait que dévouement et sacrifice se font payer toujours en autorité (serait-elle purement morale). L’ennui est contre-révolutionnaire. De toutes les façons.

Les groupes qui admettent l’échec, non circonstanciel mais fondamental, de l’ancienne politique, devront admettre qu’ils n’ont droit à l’existence comme avant-garde permanente que s’ils donnent eux-mêmes l’exemple d’un nouveau style de vie — d’une nouvelle passion. On sait que ce critère du style de vie n’a rien d’utopique : il est observable partout dans les moments d’apparition et de montée du mouvement ouvrier classique. Nous pensons que dans la période qui vient, ceci ira non seulement aussi loin qu’au XIXe siècle, mais beaucoup plus loin. À défaut, les militants de ces groupes ne constitueraient que de ternes sociétés de propagande d’une idée très juste et très centrale — mais presque sans audience. Que ce soit dans la vie interne d’une organisation ou bien dans son action vers l’extérieur, la transmission unilatérale spectaculaire d’un enseignement révolutionnaire a perdu toutes ses chances dans la société du spectacle qui, à la fois, organise massivement le spectacle de toute autre chose et affecte tout spectacle d’un facteur d’écœurement. Par conséquent, cette propagande spécialisée aurait peu de chances de déboucher sur une action au moment opportun, pour aider les luttes réelles quand les masses y seront contraintes.

Il faut se souvenir, pour la ranimer, de ce qui a été, au XIXe siècle, la guerre sociale des pauvres. Le mot est partout, dans les chansons et dans toutes les déclarations des gens qui ont agi pour les objectifs du mouvement ouvrier classique. Un des plus urgents travaux de l’I.S., et des camarades qui marchent maintenant dans des chemins convergents, est de définir la nouvelle pauvreté. Il est sûr que certains sociologues américains des toutes dernières années sont, à l’exposé de ce nouveau paupérisme, ce qu’étaient à l’action ouvrière de l’autre siècle les premiers philantropes utopistes. Le mal est montré, mais d’une manière idéaliste et factice, parce que, la seule compréhension résidant dans la praxis, on ne comprend vraiment la nature de l’ennemi qu’en le combattant (c’est sur ce terrain que se placent, par exemple, les projets de G. Keller et R. Vaneigem pour faire passer l’agressivité des blousons noirs sur le plan des idées).

La définition de la nouvelle pauvreté ne va pas sans celle de la nouvelle richesse. Il faut opposer à l’image diffusée par la société dominante — selon laquelle elle aurait évolué (d’elle-même et sous les pressions admissibles du réformisme) d’une économie de profit à une économie des besoins — une économie du désir, qui se traduirait ainsi : la société technicienne avec l’imagination de ce qu’on peut en faire. L’économie des besoins est falsifiée en termes d’habitude. L’habitude est le processus naturel par lequel le désir (accompli, réalisé) se dégrade en besoin — ce qui veut dire aussi : se confirme, s’objective et se fait reconnaître universellement en tant que besoin. Mais l’économie actuelle est en prise directe sur la fabrication des habitudes, et manipule des gens sans désirs, en les expulsant de leur désir.

La complicité avec la fausse contestation du monde ne se sépare pas d’une complicité avec sa fausse richesse (donc d’une fuite devant la définition de la nouvelle pauvreté). C’est très frappant chez le sartrien Gorz, dans le numéro 188 des Temps Modernes : il confesse qu’il est gêné d’en être arrivé (par un travail journalistique effectivement peu reluisant) à se payer les biens de cette société : les taxis et les voyages, dit-il avec respect, dans un temps où les taxis roulent au pas derrière les masses de voitures devenant obligatoires pour tous ; et où les voyages nous mènent sur toute la Terre au même spectacle ennuyeux de l’éternelle aliénation polycopiée. En même temps, il s’excite sur « la jeunesse » — comme Sartre un jour sur la « liberté de critique totale en U.R.S.S. » — des seules « générations révolutionnaires » de Yougoslavie, Algérie, Cuba, Chine et Israël. Les autres pays sont vieux, dit Gorz pour excuser sa propre débilité. Gorz se décharge ainsi de faire les choix révolutionnaires qui s’imposent à l’intérieur des « jeunesses » de tels pays, aussi bien que dans nos pays où tout le monde n’est pas si vieux, ni si visible, où toute révolte n’est pas si Gorz.

En ce moment, le fougeyrollassisme qui est, comme on sait, la dernière doctrine qui a supplanté le marxisme en l’englobant, s’inquiète de ce que les grandes étapes du développement historique avaient été marquées par un changement du mode de production, alors que la société communiste annoncée par Marx semblerait bien ne devoir être, si elle existait, qu’une suite de la société de la production industrielle. Fougeyrollas doit retourner à l’école. La prochaine forme de société ne sera pas fondée sur la production industrielle. Elle sera une société de l’art réalisé. Ce « type de production absolument nouveau qui serait en gestation dans notre société » (Marxisme en question, p. 84), c’est la construction des situations, la construction libre des événements de la vie.

Guy DEBORD, Les mauvais jours finiront

Projet d’une anthologie de la Revue I.S. – numéro 7 – Avril 1962.

DEBORD: Du terrorisme >..< Sobre o terrorismo

mercredi, décembre 2nd, 2015

Esta democracia tão perfeita fabrica ela mesma seu inconcebível inimigo, o terrorismo. Ela quer, na verdade, ser julgada sobre seus inimigos mais do que sobre seus resultados. A história do terrorismo é escrita pelo Estado; ela é então educativa. As populações espectadoras não podem certamente saber tudo do terrorismo, mas elas podem sempre saber o suficiente para serem persuadidas de que, com relação a este terrorismo, todo o resto deverá lhes parecer meio que aceitável, em todo caso mais racional e mais democrático.

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Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme. Elle veut, en effet, être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. L’histoire du terrorisme est écrite par l’État ; elle est donc éducative. Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique.

Guy-Ernest Debord,

Commentaires sur la société du spectacle, Éditions Gérard Lebovici, 1988.

DEBORD: Les mauvais jours finiront >..< Os dias ruins acabarão

jeudi, septembre 24th, 2015

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DEBORD: La planète malade

jeudi, novembre 27th, 2014

La planète malade

traduções em português:

http://www.culturaebarbarie.org/sopro/arquivo/planetadoente.html

http://juralibertaire.over-blog.com/article-13908597.html

chaîne de consommation >..< cadeia de consumo
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chaîne de production >..< cadeia de produção

Guy Debord (1971)

La « pollution » est aujourd’hui à la mode, exactement de la même manière que la révolution : elle s’empare de toute la vie de la société, et elle est représentée illusoirement dans le spectacle. Elle est bavardage assommant dans une pléthore d’écrits et de discours erronés et mystificateurs, et elle prend tout le monde à la gorge dans les faits. Elle s’expose partout en tant qu’idéologie, et elle gagne du terrain en tant que processus réel.

Ces deux mouvements antagonistes, le stade suprême de la production marchande et le projet de sa négation totale, également riches de contradictions en eux-mêmes, grandissent ensemble. Ils sont les deux côtés par lesquels se manifeste un même moment historique longtemps attendu, et souvent prévu sous des figures partielles inadéquates : l’impossibilité de la continuation du fonctionnement du capitalisme.

L’époque qui a tous les moyens techniques d’altérer absolument les conditions de vie sur toute la Terre est également l’époque qui, par le même développement technique et scientifique séparé, dispose de tous les moyens de contrôle et de prévision mathématiquement indubitable pour mesurer exactement par avance où mène – et vers quelle date – la croissance automatique des forces productives aliénées de la société de classes : c’est à dire pour mesurer la dégradation rapide des conditions mêmes de la survie, au sens le plus général et le plus trivial du terme.

Tandis que des imbéciles passéistes dissertent encore sur, et contre, une critique esthétique de tout cela, et croient se montrer lucides et modernes en affectant d’épouser leur siècle, en proclamant que l’autoroute ou Sarcelles ont leur beauté que l’on devrait préférer à l’inconfort des « pittoresques » quartiers anciens, ou en faisant gravement remarquer que l’ensemble de la population mange mieux, en dépit des nostalgiques de la bonne cuisine, déjà le problème de la dégradation de la totalité de l’environnement naturel et humain a complètement cessé de se poser sur le plan de la prétendue qualité ancienne, esthétique ou autre, pour devenir radicalement le problème même de la possibilité matérielle d’existence du monde qui poursuit un tel mouvement. L’impossibilité est en fait déjà parfaitement démontrée par toute la connaissance scientifique séparée, qui ne discute plus que de l’échéance ; et des palliatifs qui pourraient, si on les appliquait fermement, la reculer légèrement. Une telle science ne peut qu’accompagner vers la destruction le monde qui l’a produite et qui la tient ; mais elle est forcée de le faire avec les yeux ouverts. Elle montre ainsi, à un degré caricatural, l’inutilité de la connaissance sans emploi.

On mesure et on extrapole avec une précision excellente l’augmentation rapide de la pollution chimique de l’atmosphère respirable ; de l’eau des rivières, des lacs et déjà des océans, et l’augmentation irréversible de la radioactivité accumulée par le développement pacifique de l’énergie nucléaire ; des effets du bruit ; de l’envahissement de l’espace par des produits en matières plastiques qui peuvent prétendre à une éternité de dépotoir universel ; de la natalité folle ; de la falsification insensée des aliments ; de la lèpre urbanistique qui s’étale toujours plus à la place de ce que furent la ville et la campagne ; ainsi que des maladies mentales – y compris les craintes névrotiques et les hallucinations qui ne sauraient manquer de se multiplier bientôt sur le thème de la pollution elle-même, dont on affiche partout l’image alarmante – et du suicide, dont les taux d’expansion recoupent déjà exactement celui de l’édification d’un tel environnement (pour ne rien dire des effets de la guerre atomique ou bactériologique, dont les moyens sont en place comme l’épée de Damoclès, mais restent évidemment évitables).

Bref, si l’ampleur et la réalité même des « terreurs de l’An Mil » sont encore un sujet controversé parmi les historiens, la terreur de l’An Deux Mille est aussi patente que bien fondée ; elle est dès à présent certitude scientifique. Cependant, ce qui se passe n’est rien de foncièrement nouveau : c’est seulement la fin forcée du processus ancien. Une société toujours plus malade, mais toujours plus puissante, a recréé partout concrètement le monde comme environnement et décor de sa maladie, en tant que planète malade. Une société qui n’est pas encore devenue homogène et qui n’est pas déterminée par elle-même, mais toujours plus par une partie d’elle-même qui se place au-dessus d’elle, qui lui est extérieure, a développé un mouvement de domination de la nature qui ne s’est pas dominé lui-même. Le capitalisme a enfin apporté la preuve, par son propre mouvement, qu’il ne peut plus développer les forces productives ; et ceci non pas quantitativement, comme beaucoup avaient cru le comprendre, mais qualitativement.

Cependant, pour la pensée bourgeoise, méthodologiquement, seul le quantitatif est le sérieux, le mesurable, l’effectif ; et le qualitatif n’est que l’incertaine décoration subjective ou artistique du vrai réel estimé à son vrai poids. Pour la pensée dialectique au contraire, donc pour l’histoire et pour le prolétariat, le qualitatif est la dimension la plus décisive du développement réel. Voilà bien ce que, le capitalisme et nous, nous aurons fini par démontrer.

Les maîtres de la société sont obligés maintenant de parler de la pollution, et pour la combattre (car ils vivent, après tout, sur la même planète que nous ; voilà le seul sens auquel on peut admettre que le développement du capitalisme a réalisé effectivement une certaine fusion des classes) et pour la dissimuler : car la simple vérité des nuisances et des risques présents suffit pour constituer un immense facteur de révolte, une exigence matérialiste des exploités, tout aussi vitale que l’a été la lutte des prolétaires du XIX siècle pour la possibilité de manger. Après l’échec fondamental des tous les réformismes du passé – qui tous aspiraient à la solution définitive du problème des classes -, un nouveau réformisme se dessine, qui obéit aux mêmes nécessités que les précédents : huiler la machine et ouvrir de nouvelles occasions de profit aux entreprises de pointe. Le secteur le plus moderne de l’industrie se lance sur les différents palliatifs de la pollution, comme sur un nouveau débouché, d’autant plus rentable qu’une bonne part du capital monopolisé par l’État y est à employer et manoeuvrer. Mais si ce nouveau réformisme a d’avance la garantie de son échec, exactement pour les mêmes raisons que les réformismes passés, il entretient vis-à-vis d’eux cette radicale différence qu’il n’a plus le temps devant lui.

Le développement de la production s’est entièrement vérifié jusqu’ici en tant qu’ accomplissement « de l’économie politique : développement de la misère, qui a envahi et abîmé le milieu même de la vie. La société où les producteurs se tuent au travail, et n’ont qu’à en contempler le résultat, leur donne franchement à voir, et à respirer, le résultat général du travail aliéné en tant que résultat de mort. Dans la société de l’économie sur-développée, tout est entré dans la sphère des biens économiques, même l’eau des sources et l’air des villes, c’est-à-dire que tout est devenu le mal économique, « reniement achevé de l’homme » qui atteint maintenant sa parfaite conclusion matérielle. Le conflit des forces productives modernes et des rapports de production, bourgeois ou bureaucratiques, de la société capitaliste est entré dans sa phase ultime. La production de la non-vie a poursuivi de plus en plus vite son processus linéaire et cumulatif ; venant de franchir un dernier seuil dans son progrès, elle produit maintenant directement la mort.

La fonction dernière, avouée, essentielle, de l’économie développée aujourd’hui, dans le monde entier où règne le travail-marchandise, qui assure tout le pouvoir à ses patrons, c’est « la production des emplois ». On est donc bien loin des idées progressistes du siècle précédent sur la diminution possible du travail humain par la multiplication scientifique et technique de la productivité, qui était censée assurer toujours plus aisément la satisfaction des besoins « antérieurement reconnus par tous comme réels », et sans « altération fondamentale » de la qualité même des biens qui se trouveraient disponibles. C’est à présent pour produire des emplois , jusque dans les campagnes vidées de paysans, c’est-à-dire pour utiliser du travail humain en tant que travail aliéné , en tant que salariat, que l’on fait « tout le reste » ; et donc que l’on menace stupidement les bases, actuellement plus fragiles encore que la pensée d’un Kennedy ou d’un Brejnev, de la vie de l’espèce.

Le vieil océan est en lui-même indifférent à la pollution ; mais l’histoire ne l’est pas. Elle ne peut être sauvée que par l’abolition du travail-marchandise. Et jamais la conscience historique n’a eu autant besoin de dominer de toute urgence son monde, car l’ennemi qui est à sa porte n’est plus l’illusion, mais sa mort.

Quand les pauvres maîtres de la société dont nous voyons le déplorable aboutissement , bien pire que toutes les condamnations que purent fulminer autrefois les plus radicaux des utopistes, doivent présentement avouer que notre environnement est devenu social ; que la gestion de tout est devenue une affaire directement politique, jusqu’à l’herbe des champs et la possibilité de boire, jusqu’à la possibilité de dormir sans trop de somnifères ou de se laver sans souffrir d’allergies, dans un tel moment on voit bien aussi que la vieille politique spécialisée doit avouer qu’elle est complètement finie.

Elle est finie dans la forme suprême de son volontarisme : le pouvoir bureaucratique totalitaire des régimes dits socialistes, parce que les bureaucrates au pouvoir ne se sont même pas montrés capables de gérer le stade antérieur de l’économie capitaliste. S’ils polluent beaucoup moins – les États-Unis à eux seuls produisent 50 % de la pollution mondiale -, c’est parce qu’ils sont beaucoup plus pauvres. Ils ne peuvent, comme par exemple la Chine, en y bloquant une part disproportionnée de son budget de misère, que se payer la part de pollution de prestige des puissances pauvres ; quelques redécouvertes et perfectionnements dans les techniques de la guerre thermonucléaire, ou plus exactement de son spectacle menaçant. Tant de pauvreté, matérielle et mentale, soutenue par tant de terrorisme, condamne les bureaucraties au pouvoir. Et ce qui condamne le pouvoir bourgeois le plus modernisé, c’est le résultat insupportable de tant de richesse effectivement empoisonnée. La gestion dite démocratique du capitalisme, dans quelque pays que ce soit, n’offre que ses élections-démissions qui, on l’a toujours vu, ne changeaient jamais rien dans l’ensemble, et même fort peu dans le détail, à une société de classes qui s’imaginait qu’elle pourrait durer indéfiniment. Elles n’y changent rien de plus au moment où cette gestion elle-même s’affole et feint de souhaiter, pour trancher certains problèmes secondaires mais urgents, quelques vagues directives de l’électorat aliéné et crétinisé (U.S.A., Italie, Angleterre, France). Tous les observateurs spécialisés avaient toujours relevé – sans trop s’embarrasser

à l’expliquer – ce fait que l’électeur ne change presque jamais d’ « opinion » : c’est justement parce qu’il est l’électeur, celui qui assume, pour un bref instant, le rôle abstrait qui est précisément destiné à l’empêcher d’être par lui-même, et de changer (le mécanisme a été démonté cent fois, tant par l’analyse politique démystifiée que par les explications de la psychanalyse révolutionnaire). L’électeur ne change pas davantage quand le monde change toujours plus précipitamment autour de lui et, en tant qu’ électeur, il ne changerait même pas à la veille de la fin du monde. Tout système représentatif est essentiellement conservateur, alors que les conditions d’existence de la société capitaliste n’ont jamais pu être conservées : elles se modifient sans interruption, et toujours plus vite, mais la décision – qui est toujours finalement décision de laisser faire le processus même de la production marchande – est entièrement laissée à des spécialistes publicistés ; qu’ils soient seuls dans la course ou bien en concurrence avec ceux qui vont faire la même chose, et d’ailleurs l’annoncent hautement. Cependant, l’homme qui vient de voter « librement » pour les gaullistes ou le P.C.F., tout autant que l’homme qui vient de voter, contraint et forcé, pour un Gomulka, est capable de montrer ce qu’il est vraiment, la semaine d’après, en participant à une grève sauvage ou à une insurrection.

La soi-disant « lutte contre la pollution », par son côté étatique et réglementaire, va d’abord créer de nouvelles spécialisations, des services ministériels, des jobs, de l’avancement bureaucratique. Et son efficacité sera tout à fait à la mesure de tels moyens. Elle ne peut devenir une volonté réelle, qu’en transformant le système productif actuel dans ses racines mêmes. Et elle ne peut être appliquée fermement qu’à l’instant où toutes ses décisions, prises démocratiquement en pleine connaissance de cause, par les producteurs, seront à tout instant contrôlées et exécutées par les producteurs eux-mêmes (par exemple les navires déverseront immanquablement leur pétrole en mer tant qu’ils ne seront pas sous l’autorité de réels soviets de marins).

Pour décider et exécuter tout cela, il faut que les producteurs deviennent adultes : il faut qu’ils s’emparent tous du pouvoir.

L’optimisme scientifique du XIX siècle s’est écroulé sur trois points essentiels. Premièrement, la prétention de garantir la révolution comme résolution heureuse des conflits existants (c’était l’illusion hégélo-gauchiste et marxiste ; la moins ressentie dans l’intelligentsia bourgeoise, mais la plus riche, et finalement la moins illusoire). Deuxièmement, la vision cohérente de l’univers, et même simplement de la matière. Troisièmement, le sentiment euphorique et linéaire du développement des forces productives. Si nous dominons le premier point, nous aurons résolu le troisième ; et nous saurons bien plus tard faire du second notre affaire et notre jeu. Il ne faut pas soigner les symptômes mais la maladie même. Aujourd’hui la peur est partout, on n’en sortira qu’en se confiant à nos propres forces, à notre capacité de détruire toute aliénation existante, et toute image du pouvoir qui nous a échappé. En remettant tout, excepté nous-mêmes, au seul pouvoir des Conseils des Travailleurs possédant et reconstruisant à tout instant la totalité du monde, c’est-à-dire à la rationalité vraie, à une légitimité nouvelle.

En matière d’environnement « naturel » et construit, de natalité, de biologie, de production, de « folie »., il n’y aura pas à choisir entre la fête et le malheur mais consciemment et à chaque carrefour, entre mille possibilités heureuses ou désastreuses, relativement corrigibles et, d’autre part, le néant. Les choix terribles du futur proche laissent cette seule alternative : démocratie totale ou bureaucratie totale. Ceux qui doutent de la démocratie totale doivent faire des efforts pour se la prouver à eux-mêmes, en lui donnant l’occasion de se prouver en marchant ; ou bien il ne leur reste qu’à acheter leur tombe à tempérament, car « l’autorité, on l’a vue à l’ oeuvre, et ses oeuvres la condamnent » (Joseph Déjacque).

« La révolution ou la mort », ce slogan n’est plus l’expression lyrique de la conscience révoltée, c’est le dernier mot de la pensée scientifique de notre siècle. Ceci s’applique aux périls de l’espèce comme à l’impossibilité d’adhésion pour les individus. Dans cette société où le suicide progresse comme on sait, les spécialistes ont dû reconnaître, avec un certain dépit, qu’il était retombé à presque rien en mai 1968. Ce printemps obtint aussi, sans précisément y monter à l’assaut, un beau ciel, parce que quelques voitures avaient brûlé et que toutes les autres manquaient d’essence pour polluer. Quand il pleut, quand il y a de faux nuages sur Paris, n’oubliez jamais que c’est la faute du gouvernement. La production industrielle aliénée fait la pluie.

La révolution fait le beau temps.

Guy Debord

https://infokiosques.net/spip.php?article966

DEBORD: Séparation spectaculaire

vendredi, octobre 17th, 2014

“Cette société qui supprime la distance géographique recueille intérieurement la distance, en tant que séparation spectaculaire.”

Guy DEBORD

>..<

“Esta sociedade que suprime a distância geográfica recolhe a distância em seu interior sob a forma de separação espetacular”

(em tradução livre)